Inspiration asiatique

Pour elle, à l'évidence, c'est un tableau qu'elle va faire, pas un foulard. Elle l'imagine grand et pour le salon; pour les couleurs, facile, ce sera le rouge, l'orange et le jaune. Ce sont ses teintes préférées et celles qui iront bien dans la pièce. Sur son bout d'essai, elle s'émerveille de la facilité avec laquelle la peinture fuse sur la soie, permettant de créer sans efforts des effets de profondeur, des mélanges, des nuances. Elle est enchantée d'utiliser des coton-tiges pour appliquer du bleu sur son mélange de rouge-jaune. Légère, aérienne, elle trace rapidement et avec aisance une suite de petits cercles, improvisant spontanément un motif. Ah, c'est bien différent du "comportement" d'autres peintures, acrylique ou huile sur de la toile ! Cela sèche plus vite, cela se répand et prend de la place, cela fuse, cela se mélange, cela vibre, cela vit.
A l'aide de gros pinceaux plats et larges, elle applique les nuances choisies sur le grand tableau. Un horizon se devine. Puis, après l'avoir laissé sécher le temps d'une cigarette, elle prend un coton-tige imbibé de noir et trace quelques traits croisés. J'y vois une esquisse de mâts dans un ciel rougeoyant; elle me corrige en précisant que son inspiration était plus celle de caractères d'une langue asiatique.
Son travail terminé, elle le contemple longuement et se réjouit déja de le voir surspendu entre ses murs. Elle s'en va, le visage souriant et satisfait, rejoindre sa famille pour une excursion en ville. Chère T. je vous souhaite un bel été !